Le coup de projecteur

Pascal Grégoire est un artiste très discret et surtout passionné qui a gravi les échelons du monde du théâtre au cours des quinze dernières années. Depuis ses débuts dans le one man show, jusqu'à aujourd'hui avec sa pièce, il a su captiver et charmer le public avec son talent indéniable et son sens aiguisé de l'humour. ....nous lui avons donc donné rdv tôt le matin pour un brunch avec l'objectif d'en savoir un peu plus sur cet artiste hors du commun qui se définit lui-même comme un petit artisan du rire, autodidacte de la vie, qui s'est fait tout seul dans un milieu qui ne voulait pas de lui.

Petit rappel

Pascal Grégoire, né à Paris sous le signe du lion, est un artiste polyvalent qui a su conquérir le cœur du public avec ses talents d’auteur, de comédien et de metteur en scène. Après avoir fait ses gammes en tant qu’animateur au Club Med et DJ pendant plus de dix ans, il décide de suivre sa passion pour le théâtre. Depuis plus de 15 ans, il monte sur les planches et est devenu la nouvelle coqueluche du public grâce à la pièce à succès « La Guerre des sexes ». Comme vous allez le découvrir, Il est volubile, exalté et surtout il ne mâche pas ses mots. Une belle rencontre…..

Pascal GREGOIRE: Comédien, auteur et metteur en scène.

Théâtre Les enfants du Paradis

Notre entretien avec....Pascal GREGOIRE

Temps de lecture 4:50mn

Nous voilà bien installés, nous commandons deux cafés, je pose mon portable sur la table en mode dictaphone, et pendant que Pascal louche sur les pains au chocolat, je me lance avec ma première question:

Julie: Bonjour Pascal, merci de nous accorder cette interview. Vous avez une carrière impressionnante dans le monde du théâtre, de part votre longévité, plus de onze années à l’affiche sans interruption, et plus de 3000 représentations de votre pièce « La guerre des sexes ». Pouvez-vous nous parler de vos débuts et de ce qui vous a amené à vous consacrer au théâtre ?

Pascal Grégoire: Bonjour Julie, c’est un plaisir d’être ici. Mes débuts dans le monde du spectacle se sont faits de manière éclectique. J’ai commencé comme animateur au Club Med, qui a été pour un jeune comme moi, une certaine forme d’école de la vie et un magnifique terrain de jeu pour développer mes envies et talents balbutiants d’animateur. Plus tard, j’ai exercé en tant que DJ lors de tournées en France et à l’international. Une période de ma vie incroyable ou le milieu de la nuit était en ébullition. Et de toutes ces expériences,  j’ai toujours ressenti une attirance pour la scène de manière générale, et surtout faire rire mes contemporains. C’est ainsi que j’ai rejoint l’école Viriot, où j’ai pu approfondir mes connaissances et acquérir suffisamment de technique pour être à l’aise sur scène. Dominique Viriot, en plus de transmettre, nous poussait à entreprendre. Il nous faisait bien comprendre que dans ce métier, il ne fallait pas attendre que le téléphone sonne. C’est peut-être la plus grande leçon que j’ai retenu. En tous les cas cela a résonné en moi puisque qu’en 2007, j’ai écrit et produit mon premier seul en scène, intitulé « No Limit », qui a ensuite été joué sous le nom de « One Skalp Show » dans un tout petit café-théâtre qui s’appelait la Providence. Puis ensuite la petite salle du théâtre du gymnase. Cette expérience qui a duré 5 ans  m’a définitivement convaincu de consacrer ma carrière à la scène.

Julie: Vous avez également une expérience notable à la télévision en tant que chauffeur de salle. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette facette de votre carrière ?

Pascal Grégoire: En effet, mes débuts à la télévision se sont faits en tant que chauffeur de salle sur des émissions cultes telles que « Le Hit Machine » et « La Méthode Cauet ». C’était une expérience enrichissante, car j’ai pu observer les coulisses de la télévision et apprendre énormément  des professionnels du métier. Cela m’a également permis d’affiner mes compétences d’animation et de créer une connexion forte avec le public. J’ai également participé à des festivals d’humour, tels que « Juste pour rire » et « Paris fait sa comédie », où j’ai pu partager ma passion pour le rire avec un large auditoire.

Julie: Vous êtes notamment connu pour votre pièce de théâtre coquine devenu culte « La Guerre des sexes ». Pouvez-vous nous en dire plus sur cette pièce et son impact sur le public ?

Pascal Grégoire:Après mon expérience en solo, j’ai fini par réaliser, après cinq ans, que je me heurtais à un plafond de verre qui m’empêchait de percer comme je le souhaitais. Malgré un succès incroyable, avec des représentations à guichet fermé pendant cinq ans et des bénéfices, ce qui est rare, je n’arrivais pas à passer à l’étape suivante en raison de l’univers avant-gardiste de mon spectacle « no-limit ». Avec le recul, c’est ainsi que j’ai analysé les événements. Cette prise de conscience m’a poussé à trouver une solution pour continuer à faire ce que j’aime, c’est-à-dire monter sur scène. C’est ainsi qu’est née « La Guerre des Sexes », que j’ai écrite et mise en scène en 2011. Depuis sa création, cette pièce connaît un succès retentissant, séduisant plus de 800 000 spectateurs. Ce qui rend cette pièce si spéciale, c’est son élément novateur : l’interaction avec le public. J’ai été le premier auteur à oser briser le quatrième mur et à intégrer des moments d’improvisation dans une pièce de théâtre. En réalité, j’ai reproduit ce que je faisais déjà dans mon one man show. Cela a ouvert de nouvelles possibilités de connexion avec le public et a créé une expérience vivante et dynamique. Depuis, de nombreux auteurs ont repris ce procédé dans leurs propres créations. J’ai ouvert la voie et beaucoup d’autres l’ont suivie. Si j’ai pu apporter ma contribution, aussi minime soit-elle, cela me satisfait pleinement. Ce qui compte le plus pour moi, c’est que « La Guerre des Sexes » continue d’être jouée au Théâtre Les Enfants du Paradis et de ravir le public, y compris lors de la tournée en province. Comme je le dis souvent à mon équipe, au bout du bout, nous n’avons qu’un seul patron : le public. 

Julie: Vous êtes considéré comme un précurseur du théâtre interactif par bon nombre de vos pairs. Quel est la génèse  de votre travail  ?

Pascal Grégoire: Mon approche du théâtre a toujours été de le considérer avant tout comme un divertissement, et oui, même si nous sommes des artistes, nous restons des artisans. Remettons l’église au milieu du village, nous ne sommes pas des neurochirurgiens qui sauvent des vies. Je suis conscient que certains « théâtreux » qui, soyons honnêtes deux secondes, survivent uniquement depuis de nombreuses années grâce aux subventions plutôt qu’à leur talent, seront scandalisés en lisant de tels propos, mais j’assume pleinement mes paroles. Je tiens à préciser qu’il n’y a aucune condescendance de ma part, je suis simplement un observateur averti de ce milieu que je fréquente depuis près de vingt ans, et le constat est sans appel : nous sommes bien loin de cette pseudo  fraternité professionnelle et du monde des bisounours. J’ai malheureusement rencontré plus de margoulins que de personnes bienveillantes. Personnellement je me suis battu pour arriver là ou je suis aujourd’hui. Personne ne m’a fait de cadeau. Pendant longtemps on m’a regardé comme un extraterrestre. Mais  les faits sont têtus: je fais parti du paysage, des acteurs qui participent largement à l’économie de ce secteur. Pardon, je m’égare…(ça le fait rire).

Donc l’improvisation et l’interaction ne sont que des outils visant à apporter une fraîcheur et une liberté à une représentation, rendant chaque spectacle unique grâce à la complicité du public. J’utilisais déjà ces exercices dans mon one man show, je n’ai fait que transposer ce que je maîtrisais déjà dans une pièce de théâtre. Naturellement, j’ai utilisé mes compétences acquises depuis mes premiers pas au Club Med jusqu’à mon one man show. Et j’ai constaté que le public était friand de cette liberté. Permettez-moi de vous confier qu’en 2007, lorsque j’invitais un spectateur à monter sur scène, personne n’osait le faire. À l’époque, c’était extrêmement novateur et audacieux.

L’interaction elle-même permet de créer une véritable complicité entre les comédiens et les spectateurs, offrant une expérience immersive et unique. Avec « La Guerre des Sexes », j’ai introduit cette dynamique qui a été très bien accueillie par le public et qui, je pense, a grandement contribué au succès de la pièce. En revanche, à l’époque, les professionnels tels que les programmateurs, les producteurs et les directeurs de salle ne comprenaient absolument pas l’intérêt de cette démarche. Pour être tout à fait honnête, personne ne croyait en moi au départ. Je soupçonne même que certains espéraient mon échec. Des comédiens que je connaissais bien me disaient : « Tu ne peux pas faire ça, ça ne fonctionnera jamais », etc. J’ai dû faire preuve d’une énergie, d’une abnégation et d’une ténacité considérables pour ne pas abandonner. Je suis resté sourd à tous ces conseils bienveillants, et heureusement, le public a répondu présent. Cela m’a ouvert de nouvelles perspectives créatives et m’a encouragé à explorer davantage cette forme de théâtre. Bien sûr, au départ, nous ne consacrions pas trente minutes d’improvisation au détriment de la pièce. Les premières représentations ont servi de laboratoire pour parvenir à doser habilement et obtenir un équilibre parfait entre la pièce de théâtre et ce joyeux bordel. Pour mes projets futurs, j’ai l’ambition de créer une suite à cette pièce, qui approfondira les thèmes abordés et continuera à repousser les limites du théâtre interactif. Mais avant tout, je souhaite divertir et faire rire les spectateurs qui nous font confiance en achetant des billets pour venir nous voir.

Au final, la satisfaction du public reste ma priorité absolue. Quand je monte sur scène le soir, mon objectif est de partager avec les spectateurs un moment de pur divertissement. Tout le reste n’est que chimère et vanité.

Julie: Parmi le millier de représentations, quel est le moment le plus mémorable de votre carrière jusqu’à présent ?

Pascal Grégoire:

Alors, il y en a un qui me revient en mémoire. Un soir au Théâtre du Gymnase, pendant une représentation, alors que j’improvisais au beau milieu de la pièce, j’ai remarqué que les réponses d’un spectateur étaient complètement incohérentes. Avec une pointe d’humour, je lui ai demandé s’il avait un peu trop siroté avant le spectacle, mais sa femme m’a assuré que non. À ma grande surprise, il s’est mis à saigner du nez d’un coup, mais un truc de fou ! Et devine quoi ? Le gars continuait de rire et de participer aux échanges avec le public, complètement perché dans son propre délire. Il était tellement dans son trip qu’il n’a même pas réalisé ce qui se passait pendant quelques longues secondes, qui semblaient durer une éternité. C’est finalement sa femme, à côté de lui, qui a vu mon regard de panique et s’est rendu compte du problème, alors que son mari continuait à rire tout en pissant le sang. Ils ont finalement quitté la salle sous les applaudissements chaleureux du public. L’équipe du théâtre a aussitôt appelé les secours, et j’ai appris plus tard que tout allait bien. Mais je peux te dire que cet incident a été à la fois étonnant et mémorable, tant pour moi que pour le public. C’était vraiment un grand moment de schizophrénie pour moi, jonglant entre la nécessité de continuer le spectacle et l’inquiétude pour ce spectateur ensanglanté en face de moi. D’ailleurs, Philippe, le régisseur de l’époque, s’en souvient encore comme si c’était hier. Ah, ces petites anecdotes qui rendent le théâtre si imprévisible et palpitant !

Julie: Pour clore cette interview de manière originale, si vous deviez interpréter un personnage, pas forcement dans la comédie, quelqu’un qui vous fascine  et qui vous ressemble. quel serait votre rôle idéal et pourquoi ?

Pascal Grégoire:

Houlala, je ne m’y attendais pas du tout, celle-là ! (il éclate de rire) Si je devais choisir un personnage à incarner, ce serait sûrement Triboulet, le bouffon dans « Le Roi s’amuse » de Victor Hugo. Triboulet est un personnage à la fois fascinant et complexe, connu pour son côté « no-limit » à une époque où les conventions étaient aussi rigides que les corsets des courtisans. Il était drôle, provocateur et suffisamment intelligent pour jouer avec les mots et utiliser le rire comme arme sociale. J’admire la liberté qu’il incarne malgré les risques de déplaire à son roi pour une vanne un peu trop osée. Sa capacité à repousser les limites en appelant le roi « mon cousin » et à remettre en question l’autorité est tout simplement admirable.

Finalement, on en sait bien peu sur cet homme qui a été le bouffon du roi, mais dont la vie a été hors du commun grâce à sa capacité à faire rire. Incarner Triboulet me permettrait d’explorer toute la palette des émotions, du comique à la tragédie, tout en transmettant un message de rébellion et de quête de vérité. Même l’écriture du personnage serait fascinante à développer, tant il est riche en subtilités et en nuances. Alors, pourquoi pas ? Après tout, qui sait ce que Triboulet aurait à dire s’il pouvait prendre la plume et raconter son histoire avec toute sa verve et son esprit ?

Julie: Merci infiniment, Pascal Grégoire, pour cette entrevue enrichissante. Nous vous souhaitons beaucoup de succès dans vos futurs projets et nous avons hâte de voir vos prochaines créations sur scène et peut-être même sur grand écran.

Pascal Grégoire: Merci à vous, Julie. C’était un plaisir de partager mon parcours et mes projets avec vous. Et effectivement peut-être un beau projet pour le cinéma, mais pour ça je reviendrai vous en parler une autre fois .

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